Lecteur au rapport!

Il m’est arrivé quelque chose d’exceptionnel cette semaine, quelque chose qui a bouffé une grosse partie de mon temps et considérablement ralenti mon rythme de lecture. En fait, mes progrès ont été si négligeables qu’il serait futile de les rapporter ici.

AC4BlackFlagCe qui m’est arrivé? Assassin’s Creed IV: Black Flag. Oui, bon, d’accord, le jeu est sorti fin 2013 alors je suis en retard pour en parler comme la nouveauté de l’heure. Mais là encore, j’ai joué au premier Assassin’s Creed quatre ans après sa sortie. Je trouve que je m’améliore avec seulement un an et demi de retard!

Cette semaine, en guise de Lecteur au rapport!, j’ai pensé partager avec vous la raison de mon emprisonnement prolongé devant ma Xbox One: ça faisait un sacré bail qu’un jeu n’avait pas présenté pour moi un équilibre aussi parfait entre le plaisir de jouer et le plaisir de se faire raconter une histoire.

La façon qu’on entre en relation avec une histoire est un enjeu qui ne se pose de façon significative que lorsqu’on parle de jeux vidéo. Le défi reste toujours le même: comment rendre le plus transparent possible l’interface entre l’histoire et son consommateur? C’est un défi de taille quand c’est à ce dernier qu’on remet la responsabilité de tout faire progresser. Le spectateur d’un film n’a qu’à s’asseoir et regarder, le lecteur de roman n’a qu’à tourner les pages de son livre – James Bond et Hercule Poirot sauront bien se débrouiller sans eux –  mais le joueur, lui,  est en charge de la presque totalité des actions du protagoniste.

Plus un jeu offre un schème de contrôle facile à manipuler et une interface graphique intuitive, plus aisément le joueur pourra oublier la manette dans ses mains et se laisser aller dans l’histoire qui lui est racontée. Les boutons qu’il doit presser deviennent alors des corollaires invisibles de l’expérience narrative, au même titre que tourner une page ou manger du pop corn.

Et c’est ce que j’ai trouvé avec Assassin’s Creed IV: Black Flag. Après le passage obligé des tutoriels – merveilleusement bien intégrés à l’intrigue d’ailleurs – le contrôle du protagoniste Edward Kenway devient une seconde nature. Ceci permet de mieux apprécier tout le travail qui a été mis dans l’élaboration d’une structure narrative exceptionnelle pour une titre d’action-aventure. Un protagoniste qui évolue de façon naturelle, des personnages secondaires tous uniques et intéressants, des emplacements variés, des enjeux captivants autant sur le plan des émotions que de la survie et une intrigue bien construite qui progresse à un rythme savamment dosé – tous des éléments narratifs que l’on ne pourrait estimer à leur juste valeur si l’on passait le plus clair de notre temps à maudire le bout de plastique entre nos mains.

ACUnityLe contre-exemple tout indiqué pour mieux faire comprendre la valeur d’une interface jeu-joueur transparente est – ironie du sort! – le jeu suivant de la série, par les mêmes développeurs, Ubisoft Montréal. Il s’agit du maintenant tristement notoire Assassin’s Creed Unity (sans le deux-points traditionnel des titres composés).

Ce jeu a pris une direction à l’opposé de celle amorcée dans le précédent. Côté contrôle, au lieu de conserver le même schème qui avait fait ses preuves, les développeurs l’ont modifié de façon à nécessiter plus de manipulations qu’il n’en fallait pour effectuer des actions familières comme passer en mode « vision tactique » ou glisser sous des obstacles. Côté interface, comme les environnements sont maintenant beaucoup plus complexes et détaillés, il aurait fallu une interface graphique simple et voyante, de façon à ce qu’elle se détache facilement du décor et que le joueur puisse comprendre d’un coup d’oeil rapide toute l’information dont il a besoin. Au lieu de cela, les pictogrammes en noir et blanc se confondent avec les fonds et des douzaines d’indicateurs divers clignotent, virevoltent ou encombrent l’écran. On ne sait plus ou regarder et, souvent, pendant qu’ils apparaissent, on est habituellement trop occupé à sauver notre peau pour en tenir compte.

Résultat: il est impossible de se concentrer sur l’histoire, à part pendant les cinématiques, parce que notre attention est captée entièrement par la gestion et le décodage de l’interface.

SleepingDogsDes jeux comme Assassin’s Creed IV: Black Flag, j’en ai connu très peu. Sleeping Dogs (United Front Games et Square Enix London), Grand Theft Auto V (Rockstar North) et Borderlands 2 (Gearbox Software) font partie de cette liste très courte des jeux qui, selon moi, allient parfaitement jeu et histoire. C’est, je crois, un équilibre important à atteindre dès qu’un concepteur prétend tisser une trame narrative la moindrement complexe. Peu importe sa qualité, elle ne touchera personne s’il faut la parcourir au prix d’un effort exagéré au point de contact avec le jeu. Pensez-y: on se lasserait vite d’un livre dont chaque page serait une sculpture origami différente à déplier!

Alors voilà, comme vous avez pu le constater, ce n’est pas parce que je n’ai pas lu beaucoup au cours de la semaine dernière que je n’ai pas réfléchi à cette passion que représente pour moi le monde de la fiction dans tous ses médiums. J’espère que ces quelques lignes serviront à me faire pardonner mon laxisme!

Bon, ben c’est pas tout. J’ai du retard à rattraper, moi…