Lecteur au rapport! – Juillet 2015

Bienvenue à un autre Lecteur au rapport! mensuel. Ce mois-ci encore, je change la formule en réduisant la chronique à une simple liste. Voyez-vous, je finis par manquer de choses à dire sur des lectures qui ne me touchent pas nécessairement au point de pouvoir en discuter en long et en large; il y a des histoires qui ne laissent tout simplement aucune trace.

Il y a aussi le fait que, depuis quelque temps, je concentre mon énergie dans un autre projet. Je ne vous en dis pas plus pour l’instant, car je déteste vendre la peau de la métaphore avant qu’elle ne soit éculée. Suffit pour l’instant de dire qu’il s’agit d’un projet de longue haleine, toujours sous la bannière de Notes marginales, et que le sujet à l’étude sera de nature vidéoludique.

Mmmm… néologisme contemporain, quand tu nous tiens…

J’ai lu…

  • SerpentVeniceAll About History, numéro 23
  • Kuro, un coeur de chat par Sugisaku
  • Le Figaro Hors-série: William Shakespeare: Le théâtre du monde
  • Hawkeye, numéros 21 et 22 par Matt Fraction et David Aja
  • Mort d’une héroïne rouge par Qiu Xiaolong
  • Rat Queens Special: Braga, numéro 1 par Kurtis Wiebe et Tess Fowler
  • The Serpent of Venice par Christopher Moore
  • Shadowrun Core Rulebook (Fifth Edition) par Jason M. Hardy
  • Spirou et Fantasio à Tokyo par Jean-David Morvan et José-Luis Munuera

J’ai vu…

  • Kung Fury réalisé et scénarisé par David Sandberg
  • Lone Wolf and Cub, saison 1, épisode 1
  • Silent Hill: Revelation

J’ai joué à…

  • Destiny développé par Bungie et High Moon Studios
  • Tomb Raider: Definitive Edition développé par Crystal Dynamics et United Front Games
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Lecteur au rapport!

Japanese Architecture: An Exploration of Elements & Forms
par Mira Locher

JapaneseArchitectureM’en voudrez-vous de n’avoir toujours pas fini ce livre? Certes, les pages sont peu nombreuses, contrairement aux photos qui, elles, le sont. Cependant, j’aime prendre mon temps en ne lisant qu’un seul chapitre par jour, histoire de bien absorber la masse de détails fournis par l’auteur. Je ne me serais jamais cru capable de me passionner autant pour les techniques de fabrication des panneaux coulissants ou les principes régissant l’entrecroisement des poutres. Faut croire que j’ai raté une vocation…

La saga des brouillards
par Patrick Pécherot

SagaBrouillardsJ’avais acheté ce roman parce qu’il m’apparaissait comme un pendant français du Raymond Chandler que j’avais déjà dans mon panier. Côté ton, ça s’en approche passablement, ce qui m’agrée fort bien. Par contre, ce livre commet le péché capital de toute histoire se déroulant à une autre époque, celui de faire côtoyer au héros des personnages historiques. La grande majorité des gens peuvent passer toute leur vie sans rencontrer quiconque dont le nom passera à l’histoire alors pourquoi faut-il que les protagonistes de ces fictions soient des émules de Forrest Gump et se tapent le who’s who de leurs contemporains? C’est racoleur, c’est clinquant et ça distrait de l’intrigue principale.

Lecteur au rapport!

Japanese Architecture: An Exploration of Elements & Forms
par Mira Locher

JapaneseArchitectureEncore un livre sur le Japon? Oui! Je l’avoue: je suis fasciné par l’histoire riche et mouvementée de ce pays ainsi que par ses esthétiques si particulières. Cette fois-ci, c’est l’architecture qui m’intéresse et je suis bien servi par ce livre très bien écrit, à la portée du profane, et magnifiquement illustré avec un foisonnement de photos en couleurs. Et puis, pour être tout à fait honnête, je pensais aussi m’en servir comme référence pour quelques créations dans Minecraft…

The Long Goodbye
par Raymond Chandler

LongGoodbyeC’est le troisième roman de Chandler que je lis, tous mettant en vedette son personnage légendaire de Philip Marlowe, détective privé (à prononcer d’une voix graveleuse). J’avais beaucoup aimé The Big Sleep et Farewell, My Lovely, et je pressens que je vais aussi aimer celui-ci. À noter, malgré son titre en anglais, qu’il s’agit d’une traduction française de l’original, et ce, malgré ma réticence à lire des textes américains par traducteur interposé. Voyez-vous, j’avais juré ne plus jamais m’y laisser prendre après avoir goûté à l’exécrable « adaptation » de The Big Sleep par Boris Vian dont je n’avais pas compris un traître mot. Heureusement, dans le cas de The Long Goodbye, les premières pages m’ont paru encourageantes après lecture en librairie.

J’ai appris que…

Au Japon de l’ère Tokugawa (XVII-XIXe s.), la majorité de la population était classée dans quatre grandes « castes » dont il était impossible de s’échapper: samouraï, paysan, artisan ou marchand, pour les nommer dans l’ordre habituel décroissant d’importance. Or, il existait des gens hors-caste, parmi lesquels se trouvaient les écrivains. Étonnamment, ceux-ci étaient considérés de la même façon que les moines bouddhistes et en avaient même adopté beaucoup des habitudes, telles que la vie en isolement et le pèlerinage .

Et maintenant, vous savez cela aussi.

Source: Charles J. Dunn, Everyday Life in Traditional Japan

Lecteur au rapport!

Japanese Culture
par Paul Varley

JapaneseCultureAprès ma lecture de l’excellent Everyday Life in Traditional Japan de Charles J. Dunn, je craignais que le livre de Varley m’apparaisse sec et doctoral. Mes craintes étaient mal fondées, car je prends autant de plaisir à la lecture de cet ouvrage que j’en ai eu avec le précédent. Ce que Japanese Culture perd en ton naturel, il le reprend largement en profondeur de propos. Mais, malgré la masse considérable d’information supplémentaire, il n’est jamais désagréable. Peu importe le nombre de pages consacrées à la statuaire bouddhiste ou à la poésie de la cour impériale, pas une seule ligne ne donne l’impression d’une besogne dont on se presse de se débarrasser. Pas étonnant donc que cet ouvrage serve de référence pour plusieurs cours sur l’histoire japonaise.

Meurtre dans le boudoir
par Frédéric Lenormand

MeurtreBoudoirAmélie et moi avions été irrémédiablement conquis par La baronne meurt à cinq heures, premier tome de la série historico-policière Voltaire mène l’enquête. Bien que je n’aie eu le temps que de lire le premier chapitre avant de rédiger ceci, je puis d’ores et déjà affirmer que Lenormand n’a rien perdu de sa prose impertinente dans ce deuxième tome. On dirait bien que ma douce moitié et moi allons encore nous battre pour lire le même livre… ou ce serait le cas si je ne l’avait pas distraite avec l’excellent Trafic de reliques d’Ellis Peters que je viens de finir! Héhéhé…

Lecteur au rapport!

Pélagie et le bouledogue blanc
par Boris Akounine

PelagieBouledogueBlancJusqu’à sa moitié, ce roman semblait une énigme policière tout ce qu’il y a de plus typique et j’aime les énigmes policières typiques. Donnez-moi du Miss Marple n’importe quand plutôt que du thriller à l’américaine. Or, la protagoniste Soeur Pélagie parvient à démasquer le meurtrier juste avant le point central, ce qui redirige l’intrigue sur une vague conspiration politico-religieuse. Qu’à cela ne tienne, c’est toujours aussi bien écrit, mais ce soudain changement de cap narratif est quelque peu déstabilisant quand on s’attend à égrener les indices comme un chapelet jusqu’au bout du livre.

ADDENDUM: Tout de suite après avoir publié ce billet, j’ai continué de lire le roman et BOOM! un nouveau meurtre.

Everyday Life in Traditional Japan
par Charles J. Dunn

EverydayLifeTradJapanMalgré sa date de première publication (1973) qui laisse soupçonner quelques inexactitudes dues aux découvertes plus récentes, Everyday Life in Traditional Japan est un ouvrage historique qu’on peine à blâmer tant la lecture en est agréable. Sans aucun jargon ni préoccupations statistiques, Dunn nous livre son histoire du Japon à l’ère des Tokugawa de façon simple, claire et modeste. Il s’agit véritablement d’un livre d’histoire, dans le sens premier du terme. À conseiller pour ceux qui ont en horreur les tableaux de données, les graphiques et les cartes à légendes.

100 mots sur… Le village aux Huit Tombes

VillageHuitTombesBien qu’il se définit comme un roman policier, Le village aux Huit Tombes présente nombre d’éléments qui l’apparentent plus au conte gothique. Un village isolé, une malédiction ancestrale, un trésor caché, une famille inquiétante, un moine fantôme – tout concourt à une ambiance plus proche d’un Poe que d’un Simenon. Et pourtant, énigme policière il y a alors que les victimes s’accumulent et qu’il devient de plus en plus pressant pour le protagoniste de démasquer le meurtrier avant que les villageois apeurés ne décident de se faire justice à ses dépens.

Les dix derniers mots: Un roman parfait pour les nostalgiques de la maison Usher.

Lecteur au rapport!

Histoire du tonnelier tombé amoureux
par Ihara Saikaku

HistoireTonnelierTombeAmoureuxCette semaine, on change de registre complètement: on passe de la comédie policière au conte classique japonais… et ça exige une certaine adaptation. Le livre contient deux contes et je viens d’en finir le premier. Je… je ne suis pas sûr de ce que j’ai lu. C’est comme si j’avais lu cinq chapitres tirés de cinq livres différents et raboutés l’un à la suite de l’autre. Bon, une chose est certaine: il n’est jamais mauvais de goûter à l’inconnu en littérature. On verra bien quelles leçons je vais tirer de cette expérience…

Morphologie du conte
par Vladimir Propp

MorphologieConteDe la même façon que, côté fiction, je suis passé de l’intrigue policière au conte, côté théorie, je passe des jeux vidéo au formalisme russe. Depuis longtemps, je voulais lire ce texte fondamental de la pensée de Propp parce que ça rejoint la méthode qui m’a été inculquée jadis par mon directeur de bacc quand j’étais étudiant en théâtre. Monsieur Thenon se désespérait devant la tendance fâcheuse qu’avaient les étudiants – et les professeurs! – en lettres d’aborder leur sujet de façon, à ses yeux, trop intuitive. Selon lui, cette négligence minait la crédibilité de leur champ de recherche et invalidait ainsi tout résultat obtenu. Je l’entends encore dire: « Je ne comprends pas qu’à l’université il y ait encore des étudiants qui ne savent pas ce qu’est un protocole de recherche. » Comme Propp, il prônait que, pour mieux servir l’art, il fallait le traiter avec le même respect que l’on accorde aux sujets plus matériels comme le classement des plantes et la chute des corps. Ce n’est qu’au prix de cette rigueur qu’on peut enfin affirmer de véritables constats en littérature.

100 mots sur… Un café maison

UnCafeMaisonJe reproche à beaucoup d’auteurs de romans policiers de tricher en faisant reposer la clé de l’énigme sur un fait méconnu mais trivial (« Or cette plante ne pousse que dans le Laos méridional! »). S’il suffisait d’ouvrir une encyclopédie pour résoudre l’affaire, la solution serait à la portée du premier venu, nul besoin d’un Hercule Poirot! Que nenni avec Un café maison dont le mystère relève d’un problème de logique, juste assez complexe pour durer jusqu’à la fin, juste assez simple pour vous détester de ne pas l’avoir résolu par vous-même.

Les dix derniers mots: Le meilleur compliment pour une énigme? « Il fallait y penser! »

100 mots sur… Le mauvais

LeMauvaisL’un des prérequis en fiction est le protagoniste, personnage central chargé d’une mission importante dont on souhaite la réussite. Le mauvais est ce qui arrive quand on retire cette notion. Ceci permet au point de vue de se déplacer librement entre les divers acteurs et témoins du meurtre central à l’intrigue. Il devient donc impossible de discerner une mission spécifique à l’un d’eux mais, en contrepartie, le roman montre plus efficacement les impacts émotifs sur chacune de ces vies, toujours avec le même degré de compassion, coupables et victimes confondus.

Les dix derniers mots: Ironiquement, Le mauvais n’a de mauvais que son titre trompeur.