100 mots sur… Pélagie et le bouledogue blanc

PelagieBouledogueBlancOn s’attend d’un roman qu’il ait une fin bien définie ou, s’il se termine sur une note trouble, qu’il ait au moins un début fixé. Fi, Akounine n’a de cure de vos attentes banales et livre un roman qui commence en plein milieu de phrase: « …encore faut-il vous dire […] » Mieux encore, l’histoire se termine aussi sur des points de suspension… qu’on retrouve en tête de la première phrase du roman suivant de la série. L’auteur a carrément commencé sa nouvelle histoire dès les dernières pages de son premier livre.

Les dix derniers mots: Commencer une phrase dans un livre et la terminer dans…

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Lecteur au rapport!

Le château du lac Tchou-An
par Frédéric Lenormand

ChateauLacTchouAnEncore du Lenormand? Eh oui! Je n’y peux rien s’il est si agréable à lire. Cette-foi-ci, par contre, je délaisse sa série Voltaire mène l’enquête pour commencer celle plus connue des Nouvelles enquêtes du juge Ti. Je vous entends déjà: « Les nouvelles enquêtes? » Oui, car Lenormand a repris le personnage de Robert Van Gulik, auteur néerlandais de plusieurs des « anciennes » enquêtes, elles-mêmes inspirées par la traduction qu’il avait faite d’un roman chinois du XVIIIe siècle, Di Gong An (« Célèbres affaires du juge Ti »). Et vous voulez rire? Ça ne s’arrête pas là: le roman chinois est lui-même basé sur le personnage historique véritable de Ti Jen-tsié, magistrat et homme politique qui a vécu au VIIe siècle à la cour impériale des Tang et des Zhou. Maintenant, est-ce que le roman de Lenormand est bon? Oui.

Police Procedure and Investigation: A Guide for Writers
par Lee Lofland

PoliceProcedureInvestigationIl y a si longtemps que ce livre traîne sur une tablette et que je me dis que je devrais le commencer. Le problème, c’est que je reportais toujours cette lecture: « je devrais d’abord terminer mes ouvrages de narratologie » ou « il faudrait vraiment que je lise ces livres sur le Japon que je viens d’acheter avant ». Le temps des excuse est fini; l’un des doyens de ma pile à lire est sur le point de passer dans la colonne « LU ».

Lecteur au rapport!

Japanese Culture
par Paul Varley

JapaneseCultureAprès ma lecture de l’excellent Everyday Life in Traditional Japan de Charles J. Dunn, je craignais que le livre de Varley m’apparaisse sec et doctoral. Mes craintes étaient mal fondées, car je prends autant de plaisir à la lecture de cet ouvrage que j’en ai eu avec le précédent. Ce que Japanese Culture perd en ton naturel, il le reprend largement en profondeur de propos. Mais, malgré la masse considérable d’information supplémentaire, il n’est jamais désagréable. Peu importe le nombre de pages consacrées à la statuaire bouddhiste ou à la poésie de la cour impériale, pas une seule ligne ne donne l’impression d’une besogne dont on se presse de se débarrasser. Pas étonnant donc que cet ouvrage serve de référence pour plusieurs cours sur l’histoire japonaise.

Meurtre dans le boudoir
par Frédéric Lenormand

MeurtreBoudoirAmélie et moi avions été irrémédiablement conquis par La baronne meurt à cinq heures, premier tome de la série historico-policière Voltaire mène l’enquête. Bien que je n’aie eu le temps que de lire le premier chapitre avant de rédiger ceci, je puis d’ores et déjà affirmer que Lenormand n’a rien perdu de sa prose impertinente dans ce deuxième tome. On dirait bien que ma douce moitié et moi allons encore nous battre pour lire le même livre… ou ce serait le cas si je ne l’avait pas distraite avec l’excellent Trafic de reliques d’Ellis Peters que je viens de finir! Héhéhé…

Lecteur au rapport!

Pélagie et le bouledogue blanc
par Boris Akounine

PelagieBouledogueBlancJusqu’à sa moitié, ce roman semblait une énigme policière tout ce qu’il y a de plus typique et j’aime les énigmes policières typiques. Donnez-moi du Miss Marple n’importe quand plutôt que du thriller à l’américaine. Or, la protagoniste Soeur Pélagie parvient à démasquer le meurtrier juste avant le point central, ce qui redirige l’intrigue sur une vague conspiration politico-religieuse. Qu’à cela ne tienne, c’est toujours aussi bien écrit, mais ce soudain changement de cap narratif est quelque peu déstabilisant quand on s’attend à égrener les indices comme un chapelet jusqu’au bout du livre.

ADDENDUM: Tout de suite après avoir publié ce billet, j’ai continué de lire le roman et BOOM! un nouveau meurtre.

Everyday Life in Traditional Japan
par Charles J. Dunn

EverydayLifeTradJapanMalgré sa date de première publication (1973) qui laisse soupçonner quelques inexactitudes dues aux découvertes plus récentes, Everyday Life in Traditional Japan est un ouvrage historique qu’on peine à blâmer tant la lecture en est agréable. Sans aucun jargon ni préoccupations statistiques, Dunn nous livre son histoire du Japon à l’ère des Tokugawa de façon simple, claire et modeste. Il s’agit véritablement d’un livre d’histoire, dans le sens premier du terme. À conseiller pour ceux qui ont en horreur les tableaux de données, les graphiques et les cartes à légendes.

100 mots sur… La baronne meurt à cinq heures

BaronneMeurtCinqHeuresIl y a l’acte et il y a la façon dont il est accompli. Même si l’intrigue policière de Frédéric Lenormand manque de rigueur par moments, on lui pardonne facilement. En effet, on en vient rapidement à considérer la résolution de l’énigme comme une donnée secondaire tant on prend plaisir à seulement lire le texte. Non seulement l’auteur démontre un style personnel vivace et impertinent, mais en plus chaque personnage se révèle une oeuvre d’art accomplie qui nous divertit dans ses actions les plus simples. Voltaire aurait sans doute approuvé.

Les dix derniers mots:  Un triomphe sans déception de la forme sur le fond.

100 mots sur… Le village aux Huit Tombes

VillageHuitTombesBien qu’il se définit comme un roman policier, Le village aux Huit Tombes présente nombre d’éléments qui l’apparentent plus au conte gothique. Un village isolé, une malédiction ancestrale, un trésor caché, une famille inquiétante, un moine fantôme – tout concourt à une ambiance plus proche d’un Poe que d’un Simenon. Et pourtant, énigme policière il y a alors que les victimes s’accumulent et qu’il devient de plus en plus pressant pour le protagoniste de démasquer le meurtrier avant que les villageois apeurés ne décident de se faire justice à ses dépens.

Les dix derniers mots: Un roman parfait pour les nostalgiques de la maison Usher.

100 mots sur… L’énigme des Blancs-Manteaux

EnigmeBlancsManteauxContexte intéressant, idée originale, enjeux captivants… mais quelle corvée que de lire ce roman jusqu’au bout! Que s’est-il passé? Jean-François Parot passe constamment par Singapour pour aller de Québec à Montréal; son roman est farci de détours inutiles qui ankylosent son récit et finissent par exaspérer son lecteur. Quand ce n’est pas le protagoniste qui se réserve quelques bons paragraphes pour gloser sur son cheminement personnel et remettre en question sa vision du monde, c’est l’auteur qui déverse sur nous les fruits de ses indéniables et abondantes recherches historiques. Assommant!

Les dix derniers mots: Parot serait bien embêté de se limiter à cent mots.

100 mots sur… Now Write! Mysteries

NowWriteMysteriesNow Write! Mysteries est un recueil de textes courts par divers auteurs de littérature policière et portant sur divers aspects de l’écriture de récits dans ce genre. En soi, c’est une idée très louable. Cependant, ce que les éditeurs de ce collectif semblent avoir oublié, c’est que ce n’est pas parce que quelqu’un a remporté un certain succès à écrire des oeuvres de fiction qu’il est nécessairement apte à parler de son processus. Un minimum d’élagage nous aurait épargné tout un ramassis de lieux communs et de promotion personnelle éhontée.

Les dix derniers mots: Tumblr offre de l’information plus pertinente et de meilleure qualité.

100 mots sur… Un café maison

UnCafeMaisonJe reproche à beaucoup d’auteurs de romans policiers de tricher en faisant reposer la clé de l’énigme sur un fait méconnu mais trivial (« Or cette plante ne pousse que dans le Laos méridional! »). S’il suffisait d’ouvrir une encyclopédie pour résoudre l’affaire, la solution serait à la portée du premier venu, nul besoin d’un Hercule Poirot! Que nenni avec Un café maison dont le mystère relève d’un problème de logique, juste assez complexe pour durer jusqu’à la fin, juste assez simple pour vous détester de ne pas l’avoir résolu par vous-même.

Les dix derniers mots: Le meilleur compliment pour une énigme? « Il fallait y penser! »

Lecteur au rapport!

Interactive Storytelling for Video Games
par Josiah Lebowitz et Chris Klug

InterStoryVideoGamesQuel vent de fraîcheur souffle sur mon coin lecture! Que des bons livres cette semaine. Que dis-je? Que d’excellents livres! À commencer par ce manuel d’écriture pour les jeux vidéo qui se révèle tout le contraire de l’épuisant Wonderbook de Jeff Vandermeer. Autant ce dernier était vague, mal structuré et, en conséquent, d’une utilité fort douteuse, autant Interactive Storytelling est clair, bien monté et pratique, non seulement pour ceux qui aspirent à écrire pour un médium interactif mais aussi pour quiconque voudrait acquérir une compréhension plus profonde de la construction d’un récit et de l’engagement émotif d’un joueur/lecteur.

La baronne meurt à cinq heures
par Frédéric Lenormand

BaronneMeurtCinqHeuresVous me pardonnerez l’excès d’exclamations cette semaine mais quel pur délice que ce roman! C’est bien simple: Amélie et moi nous l’arrachons, à savoir qui pourra mettre la main dessus avant l’autre afin de poursuivre sa lecture. Lenormand relève avec brio le défi de planter son histoire dans un cadre historique sans s’embourber dans de longues dissertations qui ne viseraient, au fond, qu’à faire briller ses talents de chercheur (tousse-tousse, L’énigme des Blancs-Manteaux). Mettant en vedette un Voltaire tel qu’on ne l’a jamais vu dans nos cours de littérature, La baronne meurt à cinq heures est une comédie policière qui réjouit autant par son intrigue que par son style, tous deux succulents.